"Je vais mourir."
22 octobre 1941. Aux abords du camp de Châteaubriant, 27 résistants communistes sont exécutés en représailles de l’attentat perpétré la veille sur le commandant des troupes d'occupation de la Loire-Inférieure, Karl Hotz. Parmi eux, un jeune homme de 17 ans, Guy Môquet, cadet de ces martyrs va rester dans l’histoire comme un symbole de courage et de résistance à l’occupant. La lettre qu’il écrit à sa famille la veille de son exécution est devenue un témoignage historique poignant illustrant la lutte déterminée du jeune résistant pour la libération de son pays.
Soixante six ans plus tard, cette même lettre est au cœur d’une polémique qui divise la France. Le 12 mai dernier, le président de la République, Nicolas Sarkozy, tout fraîchement élu prend la décision suivante : la lettre de Guy Môquet devra être lue dans tous les lycées publiques et privés sous contrats le 22 octobre, date anniversaire de la mort du jeune résistant. Le but, selon lui, est de sensibiliser les jeunes Français à la notion de patriotisme ainsi que de leur faire prendre conscience de l’importance de l’engagement en faveur de la société. « Je crois qu’il est essentiel d’expliquer à nos enfants ce qu’est un jeune Français, à travers le sacrifice de quelques-uns. », a-t-il justifié. Bien que cette circulaire soit « obligatoire », le ministre de l’éducation, Xavier Darcos a assuré qu’il ne « fliquerait » pas les professeurs récalcitrants. C’est une bonne chose pour ces derniers, fort nombreux à constituer la résistance à cette décision présidentielle.
Du coté des enseignants, l’utilité de la lecture n’est pas tout à fait fondée. Le Snes, principal syndicat du second degré et les partis de gauche condamnent une « manipulation de l’Histoire » à des fins politiques. Certains professeurs, plus modérés regrettent de préférer étudier ce témoignage, certes très émouvant, mais pédagogiquement nul à d’autres textes de résistance comportant plus d’informations sur cette période noire de l’Histoire de France. « C’est une lettre personnelle qui n’a pas d’intérêt historique » a déclaré Patrick Jehan, professeur à Paris. Ces derniers ont donc optés pour un recadrage du document dans son contexte historique, permettant d’approfondir l’étude de la Résistance. Ailleurs, « on va profiter de l’occasion pour essayer de comprendre avec nos élèves ce qui relève d’un hommage et ce qui tient de la manipulation. », explique Yannick Lesné, membre de SUD-Education. « L’école existe pour diffuser l’esprit critique. Ici, on nous demande de faire seulement de l’affectif », résume Jean-Louis Pelaez, secrétaire académique du Snes. Exempts de toutes sanctions, les professeurs traiteront donc librement de l’étude de ce texte et cette nuit, des centaines d’élèves rêveront certainement de cet engagement partisan, symbole de toute une Nation.
Source photo : Le Monde
Lire la lettre de Guy Môquet